Les pièges du système suisse des assurances sociales

Le système suisse des assurances sociales est à la fois vaste et complexe. Il présente cependant des lacunes – en particulier au cours de la première année suivant une absence pour cause de maladie ou d’accident, comme après une lésion cérébrale. Yvonne Keller et Julia Eugster, conseillères sociales, nous informent à ce sujet et montrent pourquoi les réponses à beaucoup de questions ne sont pas simples.

Le système suisse des assurances sociales est à la fois vaste et complexe. Il présente cependant des lacunes – en particulier au cours de la première année suivant une absence pour…

Deux femmes assises l'une à côté de l'autre


FRAGILE Suisse : comment fonctionne le système suisse des assurances sociales ?

Julia Eugster et Yvonne Keller : le système suisse des assurances sociales est très complexe et comprend un grand nombre d’assurances différentes. Son but est de couvrir les risques sociaux comme la vieillesse, la maladie, les accidents, l’invalidité et le chômage. Il repose sur le principe des 3 piliers (prévoyance vieillesse, survivants et invalidité) ainsi que sur d’autres assurances obligatoires et facultatives. Celles-ci couvrent par exemple les frais médicaux, les indemnités journalières en cas de maladie ou d’accident. S’y ajoutent les contributions aux frais des moyens auxiliaires, les prestations complémentaires ainsi que d’autres prestations.


Il existe une assurance pour presque chaque cas de figure. Mais pourquoi le système est-il malgré tout si complexe ?

Il existe, en effet, un grand nombre d’assurances – en partie obligatoires, en partie facultatives. C’est pourquoi il est important d’examiner la spécificité de chaque situation. Par exemple, le cas n’est pas le même s’il s’agit d’une maladie ou d’un accident. Il est très important de procéder dans les règles et de respecter les délais. Prenons un exemple :


À la suite d’une chute, Madame A. a été victime d’un traumatisme cranio-cérébral léger. Elle sort de l’hôpital après un bref séjour. On lui prescrit de la physiothérapie contre ses vertiges. Chez elle, elle reprend une vie normale auprès de ses enfants. Elle est encore en arrêt maladie pendant trois semaines. Elle recommence ensuite à travailler et remarque seulement à ce moment-là qu’elle est encore affaiblie, et que son corps et sa tête ont besoin de plus de temps qu’auparavant. Elle essaie de ralentir un peu le rythme et lutte pendant des mois pour rester à la hauteur. Mais la fatigue et l’épuisement permanents s’accentuent. Madame A. ne se sent plus capable de tout gérer. Elle décide de réduire son taux d’activité afin d’avoir encore le temps et l’énergie nécessaires pour s’occuper de ses enfants et de son ménage. Les semaines passent, et sa vie quotidienne est toujours aussi épuisante. Si bien que Madame A. demande un arrêt de travail à son médecin de famille.


Plusieurs mois se sont écoulés entre la lésion cérébrale et sa dernière visite chez un médecin. Ce fait soulève beaucoup de questions qui ne se seraient peut-être pas posées si la procédure correcte avait été suivie. Madame A. n’aurait pas dû réduire son taux d’emploi sans avoir demandé un arrêt maladie. D’autres questions se posent, par exemple celle de savoir si son état résulte réellement du traumatisme cranio-cérébral ou si elle souffre d’une dépression d’épuisement. De plus, il faut se demander quelle assurance va payer.


À ce propos : qui paye après une lésion cérébrale ?

Bien que notre système d’assurances sociales soit très développé, il présente malgré tout des lacunes et on oublie souvent que la quote-part est parfois élevée. En particulier, au cours de la première année qui suit la lésion cérébrale ou toute autre atteinte à la santé. Les prestations de l’AVS et de l’AI peuvent être liées à des délais qui diffèrent (et peuvent parfois dépasser un an), le financement de formes d’hébergement institutionnelles est souvent lié au versement d’une rente. Par ailleurs, pendant ce délai d’attente d’un an, il n’est pas possible d’obtenir d’allocation pour impotent (API). Ce délai se réduit à 6 mois pour les personnes qui ont atteint l’âge de l’AVS. Pendant le délai d’attente, les personnes concernées doivent donc prendre en charge elles-mêmes les coûts. Or, du fait de l’arrêt de travail, elles disposent de revenus nettement inférieurs. De plus, les assurances qui versent par exemple des indemnités journalières ne sont pas obligatoires. En raison de séquelles multiples comme la fatigue et l’épuisement durables, les personnes concernées ont besoin de services de soutien, comme une aide au ménage, ce qui augmente encore les dépenses. À ces problèmes s’ajoute le fait que plusieurs assurances sont souvent impliquées. Les frais médicaux sont remboursés par l’assurance-maladie ou l’assurance-accident. Dans certains cas, elles accordent également des contributions pour certaines thérapies ou pour une réadaptation. Les assurances complémentaires couvrent partiellement les coûts des services de soutien. Les moyens auxiliaires sont entre autres pris en charge par l’AI ou l’AVS. Le problème est que les assurances se montrent toujours plus réticentes et elles ont tendance à accorder moins de prestations. Or, après une lésion cérébrale, le temps et la patience sont essentiels – tout autant que les offres de thérapie et de soutien à long terme.


Que faut-il faire après une lésion cérébrale ?

Pour obtenir des prestations des assurances, il faut en faire la demande. On NE les reçoit PAS automatiquement. En tant que personne concernée, on doit s’en occuper activement et faire les démarches (ou en charger quelqu’un). Durant les 6 mois qui suivent la lésion cérébrale, nous recommandons de faire un bilan des différentes modalités de prévoyance (les 3 piliers) ainsi que des éventuelles assurances complémentaires et de demander, par e-mail ou par téléphone, s’il est nécessaire d’entreprendre des démarches, quand et lesquelles.


Quels conseils donneriez-vous aux personnes touchées par une lésion cérébrale et à leurs proches ?

Nous avons constaté qu’on oublie souvent l’allocation pour impotent, les assurances-vie ainsi que d’autres assurances complémentaires. Il est donc fortement recommandé de faire une récapitulation de ses assurances et de planifier suffisamment tôt les contacts à établir pour déterminer ses droits. Ainsi, certaines prestations ne sont accordées qu’à partir du moment où une rente d’invalidité a été octroyée. Il est donc très important de déposer une demande, car rien ne se fait automatiquement.

Une liste très utile des tâches à faire


Dans le doute, peut-on demander conseil ? 

Exactement. Les personnes concernées et leurs proches peuvent, si besoin est, s’adresser au service de conseil gratuit de FRAGILE Suisse pour tout ce qui concerne les prestations de l’AVS/AI. Elles peuvent obtenir de l’aide pour présenter une demande de prestations. À toutes les personnes qui ne sont pas sûres d’avoir pensé à tout, nous recommandons un accompagnement professionnel. Il existe en Suisse un large éventail d’offres de conseil –entre autres, celle de FRAGILE Suisse. Il est important de prendre son courage à deux mains et de s’adresser à un service compétent.

Interview : Jana Bauer