«Je me suis offert un AVC pour mes 50 ans»

Le 10 août 2015, Christian Salamin subit un accident vasculaire cérébral (AVC) massif. Entrepreneur né, il doit réapprendre à vivre avec patience.

Le 10 août 2015, Christian Salamin subit un accident vasculaire cérébral (AVC) massif. Entrepreneur né, il doit réapprendre à vivre avec patience.

Christian Salamin

Photo: Francesca Palazzi

 

2015, c’est l’année de ses 50 ans et Christian vient de rentrer de trois semaines de vacances en Tanzanie. Lundi 10 août vers 16h30, le collègue de Christian ne comprend plus ce qu'il lui dit. Il le voit grimacer, puis voit son bras gauche se rigidifier. Il part appeler l'ambulance, mais trouve Christian au sol à son retour. Pour Christian, c’est le trou noir, puis des flashs: des spasmes involontaires pendant un scanner ou l’incompréhension ressentie face à l’annonce d’AVC. Dans l’hélicoptère qui l'emmène au CHUV, Christian sent son corps s’en aller dans une espèce de tunnel: «Je m'accrochais, je ne voulais pas partir», raconte-t-il.

L’AVC est dû à un caillot au niveau de la carotide interne. Après l’échec d’une première thrombolyse (dissolution du caillot obstruant l’artère ou le vaisseau), Christian subit une thrombectomie (extraction du caillot obstruant l’artère ou le vaisseau) en deux étapes. S’ensuit une hémorragie cérébrale qui provoque ensuite un œdème qui met son cerveau sous pression. «Cinq jours d’enfers. Avec des maux de tête terribles», se rappelle-t-il. Christian passe trois semaines au CHUV, puis est transféré à la Clinique romande de réadaptation de Sion (CRR Suva). Il y séjourne plus de deux mois. Les neurologues n’expliquent pas cet AVC massif, alors que Christian ne présentait aucun facteur de risque. L'excellent état de santé de Christian lui a certainement permis de ne pas mourir et de mieux récupérer. Aujourd’hui encore, il fait régulièrement des séjours intensifs de trois semaines à la CRR Suva qui lui permettent de continuer à progresser.
 

Bouleversement familial et soutien des proches

Un pied varus équin[1] fait partie des séquelles de l’AVC de Christian. Il ne peut donc plus marcher, même avec des attelles. Hémiplégique du côté gauche, il souffre de spasticité[2] et doit gérer les douleurs qui s'ensuivent. Il vit avec une héminégligence multimodale du côté gauche dont il est aujourd’hui conscient et qu'il peut compenser. Sa mémoire à très court terme est touchée et sa gestion des émotions n’est plus la même: «Quand je vois une ambulance sirènes et feux allumés, je me mets à pleurer, sans aucune raison». Avant son AVC, Christian était un cartésien[3] «pur et dur». Il fait aujourd'hui beaucoup de méditation pour se recentrer sur son corps et son ressenti. «J'ai dû apprendre la patience. Avant, j'étais copain avec l'aiguille des secondes et maintenant avec la petite aiguille».

Le drame vécu par Christian est un choc terrible pour ses quatre enfants. Ils mettront du temps à comprendre les séquelles dont souffre leur père. Depuis, ils ont fait leur propre cheminement pour surmonter ce drame et ont fait le deuil du père d’avant l’AVC. «Je ne peux pas dire comment ils me voient maintenant par rapport à ce que j'étais avant, mais je suis très fier de mes enfants et de leurs parcours», partage Christian.

Cinzia, une amie proche de Christian, a été un soutien important pour lui. Toujours souriante, elle arrive à le faire rire même dans les moments graves. Ils se marient quelques temps après l’AVC.
 

Entrepreneur passionné

Autodidacte dans le domaine informatique, Christian crée sa première entreprise à l’âge de 25 ans. Seul ou comme associé, il en enregistre une dizaine jusqu’en 2015. Quelques mois avant l'AVC, il fait deux fois un cauchemar bouleversant: «Je me voyais sur une chaise roulante, à la CRR Suva». Le lendemain, il convoque une séance pour organiser l'entreprise en cas d'absence de sa part et prépare les procurations pour sa secrétaire. «A la Suva, j'ai vu cette chaise», confie-t-il le regard troublé. Les deux ans qui suivent l'AVC, Christian retourne au travail. Mais n'étant plus en mesure de prendre des décisions cohérentes et rationnelles, il vend sa société fin 2017. «J'ai fait le deuil de ma vie professionnelle et j'ai construit un mur pour éviter les émotions. J'ai effacé ça de ma vie». Avec l’aide des assistantes sociales de la CRR Suva, il dépose sa demande à l'assurance-invalidité (AI) en novembre 2015. La décision d’incapacité et celle relative au montant de la rente tombent plus de deux ans après. Il doit vivre six mois sans revenus.
 

FRAGILE Valais: le groupe de parole comme soutien

Christian est un membre actif de FRAGILE Valais et participe régulièrement aux groupes de parole. «Il faut prendre sur soi pour y aller la première fois, mais ça devient indispensable. Les proches aussi, ça les aide à mieux comprendre qui est cette nouvelle personne». Christian encourage la fréquentation de ces groupes de parole. «Merci à FRAGILE de nous aider et nous soutenir dans cette situation».
 

Ride for Stroke: un périple à vélo pour sensibiliser à l'AVC

Les séquelles de Christian ne lui permettent plus de remonter sur un vélo. Son épouse le pousse à renouer avec sa passion en lui faisant tester un tricycle adapté à son handicap. Il l'adopte et se lance alors le défi de parcourir 5 400 kilomètres de la Norvège à l’Espagne, en 2021. «C'est ma façon de donner du sens à ce qui m'est arrivé. Un AVC peut arriver à n'importe qui et on peut vivre avec un AVC, même sévère, et se reconstruire différemment». Actuellement, son équipe cherche encore des sponsors. Une fois ce budget bouclé, le public pourra soutenir financièrement Christian Salamin au kilomètre parcouru. L'argent récolté sera ensuite versé à FRAGILE Valais. Pour en savoir plus sur ce projet, consultez notre rubrique "Engagement" dans ce journal.
 

[1] Pied-bot ou déformation grave du pied

[2] Mauvaise communication entre le système nerveux central et les muscles

[3] Cartésien : se dit de quelqu’un à l’esprit rationnel, rigoureux et quelque peu formaliste (définition du Larousse). Relatif à René Descartes (philosophe français considéré comme le fondateur de la philosophie moderne et comme un pionnier des «Lumières».
 

Texte: Sophie Roulin-Correvon


L'interview en vidéo