«Je suis très fier d’être debout.»

En 2013, Gilles Bataillard est victime d’un AVC. Il n’a alors que 48 ans. Aujourd’hui, il nous raconte son retour «à une vie quasi normale».

En 2013, Gilles Bataillard est victime d’un AVC. Il n’a alors que 48 ans. Aujourd’hui, il nous raconte son retour «à une vie quasi normale».

Photo: Francesca Palazzi


Texte: Aurélie Vocanson / Photos: Francesca Palazzi

Lorsqu’on rencontre Gilles, on réalise rapidement qu’il s’agit d’une personne chaleureuse qui discute avec plaisir. Dans son appartement décoré des dessins de ses enfants, l’homme d’une cinquantaine d’années paraît sûr de lui et à l’aise. Il est difficile de penser qu’il était un jour timide. Pourtant, Gilles était un enfant réservé qui a eu du mal à prendre sa place. Après un apprentissage dans la vente, il peine à trouver un emploi qui lui convienne. Les rapports de travail ne sont pas toujours faciles. Il est pour un temps magasinier dans une grande surface, puis livreur et finalement, il devient concierge dans plusieurs établissements. Durant son temps libre, Gilles fait notamment du VTT, du ski et de la course à pied. Il participe d’ailleurs une année à la course des 10 km de Lausanne.

À 42 ans, Gilles devient papa pour la première fois. Le petit Thomas naît avec un problème de valve aortique qui met sa vie en danger. Pour ses parents, c’est une grande source d’angoisse. Thomas se remet et deux ans plus tard, le couple donne naissance à une fille du nom d’Émilie. Lorsqu’il aborde cette période, Gilles dit qu’il voyait peu ses enfants. Il était pris dans un travail à 100% qui le stressait beaucoup. Il n’a pas vu de signes avant-coureurs de son AVC, mais selon lui, ce stress y a contribué. «Avant, je passais ma vie à appuyer sur l’accélérateur, maintenant, c’est sur le frein».


Le temps des ruptures

En 2013, la carotide de Gilles se rompt soudainement, provoquant un caillot au cerveau et un AVC violent. Il est alors âgé de 48 ans. Gilles dit de son AVC que c’est le «trou noir», car il n’en garde aucun souvenir. L’accident engendre une hémiplégie du côté gauche, l’empêchant d’utiliser son bras et sa jambe. Dans un premier temps, il a besoin d’une chaise roulante pour se déplacer. Pour lui, remarcher devient rapidement une priorité: «Le bras me paraissait accessoire, mais je voulais marcher». Il met beaucoup d’énergie et investit du temps pour se remettre sur pieds. Aujourd’hui, c’est l’une de ses grandes réussites: «Je suis très fier d’être debout». Quand il y repense, Gilles explique que son évolution après son AVC ressemble beaucoup à celle de son fils à la naissance: au final, ils ont tous deux réussi à s’en sortir et à aller de l’avant.

Après un séjour en clinique de réhabilitation, Gilles rentre auprès de sa femme et de ses enfants. La famille habite alors dans la campagne vaudoise. Le retour à la maison n’est pas évident: «On a vite fait de tomber dans le trou». En effet, pendant des mois il était entouré de professionnels, et tout à coup il se retrouve très seul: «Ma femme partait au travail, mes enfants à l’école et je n’avais qu’un rendez-vous d’une demi-heure dans la journée. Je sortais de chez moi et j’allais m’installer sur un muret au soleil. Je n’avais rien à faire». Cette nouvelle situation est également difficile pour son épouse et le couple finit par se séparer.


Retour à la stabilité

Aujourd’hui, 8 ans après son AVC, Gilles a trouvé un bel équilibre. Il vit en appartement protégé à Lausanne depuis 4 ans. Cette structure lui offre une certaine sécurité tout en lui permettant d’être indépendant. Il fait la lessive, quelques courses et il peut se déplacer librement grâce à sa canne et aux transports en commun. Son appartement lui permet d’accueillir ses enfants. Pour lui, «c’est une vie quasiment normale. Ils viennent, ils ouvrent le frigo et se servent». Il a ainsi pu renforcer sa relation avec eux et en est très heureux: «Ils s’intéressent à moi et me demandent ce que j’ai fait dans la journée».

Le quotidien est aussi bien rempli: «Depuis mon AVC, plein de choses se sont ouvertes à moi». Lui aussi s’est ouvert, alors qu’il était un enfant réservé, sa timidité a maintenant disparu et il aime rencontrer de nouvelles personnes. Grâce à différentes associations, il se rend à des ateliers artistiques, participe à des groupes de parole et profite de sorties. Celui qui tenait tellement à remarcher se balade plus d’une heure et demie par jour. À l’aide de sa canne, il se rend au bord du lac et jouit de son indépendance. Les gens détournent parfois le regard quand ils le voient, mais maintenant, il en faut plus pour intimider ce grand marcheur. Gilles fait même régulièrement de la grimpe. La première fois qu’il s’est retrouvé en bas d’un mur d’escalade, il a pensé qu’il n’y arriverait pas. Pourtant, à la force d’un bras, d’une jambe et d’un mental d’acier, il se hisse jusqu’à 8 mètres de hauteur. «C’est une victoire pour moi». Cette prouesse lui a d’ailleurs valu un prix attribué par l’organisation PluSport qui promeut le sport pour les personnes en situation de handicap.
Gilles est un membre actif de FRAGILE Vaud et participe à plusieurs activités. Il aime se rendre aux groupes de parole: «Ça libère de discuter avec des personnes qui partagent les mêmes problèmes». Les moments de convivialité comme les sorties pique-nique ou les repas de Noël lui plaisent particulièrement. Toujours curieux d’apprendre, il a suivi le cours d’informatique proposé par le département Formation de FRAGILE Suisse. Il a trouvé l’ambiance détendue et l’apprentissage adapté à ses besoins.


Un exemple de résilience

Quand il pense au chemin parcouru, Gilles se dit fier. Sa maman et ses enfants partagent ce sentiment. Gilles ne cache pas que certaines fois, «c’est rude, mais on est obligé de faire avec». Selon lui, un bon mental permet d’avancer: «Il faut essayer de foncer». Il a également conscience de la chance qu’il a et rapporte fièrement les propos de sa fille alors qu’elle n’avait que 8 ans: «Papa, dans ton malheur, tu as de la chance. Tu peux parler et marcher». Il n’a pas eu le choix d’apprendre à ralentir, mais il a su rebondir et profiter de cette nouvelle vie. «Une fois qu’on a eu une lésion cérébrale, on ne se prend plus la tête pour un rien».

 

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