«J’ai dû découvrir qui j’étais et me réapproprier mon passé.»

En mai 2013, une hémorragie cérébrale a terrassé Gabriella Ch., l’arrachant à la vie active qu’elle avait menée jusque-là. Depuis, sa mémoire lui fait totalement défaut.

En mai 2013, une hémorragie cérébrale a terrassé Gabriella Ch., l’arrachant à la vie active qu’elle avait menée jusque-là. Depuis, sa mémoire lui fait totalement défaut.

Photo: Ethan Oelman

«Mon premier souvenir après mon hémorragie cérébrale? Je n’en ai aucune idée. Quand je me suis réveillée après une semaine de coma en mai 2013, ma vie d’avant n’existait plus. On m’a dit que j’avais eu une hémorragie cérébrale. Je ne me souvenais de rien, je ne reconnaissais personne, je ne savais pas qui j’étais. Apparemment, je m’étais effondrée sur mon balcon. Ma fille m’a trouvée et a aussitôt alerté le médecin d’urgence. Je ne sais pas combien de temps je suis restée inconsciente. A l’hôpital, on m’a immédiatement opérée au cerveau.

«J’ai mal au cul»: c’est textuellement ce que j’ai dit en sortant du coma! Je ne savais plus parler l’allemand, bien que ce soit ma langue maternelle, mais je pouvais communiquer en français. Les médecins m’ont dit que j’avais une malformation congénitale au cerveau et que l’hémorragie cérébrale devait se produire tôt ou tard. Bien sûr, personne ne pouvait le savoir.

Après l’hôpital, j’ai passé plusieurs mois en clinique de réadaptation. J‘ai recommencé à pouvoir parler allemand et, physiquement, j’allais assez bien. Je pouvais à nouveau vivre seule, mais j’avais totalement perdu la mémoire. Heureusement, depuis mon adolescence, j’avais tenu mon journal. J’ai donc relu des centaines de journaux intimes pour découvrir qui j’étais et me réapproprier mon passé. Ma famille, ma fille, mon ex-mari et de nombreux amis m’ont aussi beaucoup aidée. Ils m’ont raconté ma vie d’avant, m’ont montré des photos – ils se sont tous donné beaucoup de peine. Mais j’avais le moral à zéro. Des journées entières, j’ai sillonné Zurich, la ville où j’ai grandi et que je connaissais par coeur. Tout m’était étranger. Je ne voulais plus continuer à vivre et je me suis inscrite chez Exit. Je voulais choisir moi-même la vie ou la mort. A partir du moment où j’ai pris contact avec cette organisation, quelque chose s’est passé en moi. Je ne peux pas dire ce que c’était, mais soudain, j’ai eu à nouveau envie de vivre.

Peu à peu, j’ai donc repris goût à la vie. J’ai recommencé à travailler à temps partiel comme spécialiste en ressources humaines et j’allais assez bien. Jusqu’au coup dur suivant. En hiver 2015, j’ai eu subitement de la peine à marcher et, un matin, je n’ai pas pu me lever. J’étais paralysée de la poitrine jusqu’aux pieds. Pendant des mois, les médecins ont cherché à savoir ce que j’avais – sans succès. Cette période a été très difficile. Finalement, un médecin a découvert que j’avais une syringomyélie. Il s’agit d’une maladie très rare, caractérisée par la formation dans la moelle épinière de cavités remplies de liquide qui font pression sur le tissu nerveux avoisinant, ce qui provoque différents troubles (note de la rédaction).

Comme cette maladie est très rare, j’ai accepté de participer aux recherches à ce sujet. J’espère que, de cette manière, je pourrai aider quelqu’un et lui éviter les douleurs que je ressens dans le dos. Je souffre du dos pratiquement sans arrêt. Je dois aussi subir des opérations pour éviter que les troubles s’aggravent. Je ne pourrai plus jamais marcher, mais je peux très bien nager. J’ai même fait le brevet de plongée.

Je n’aime pas les fêtes ou les réunions où il y a beaucoup de gens, c’est trop bruyant et fatigant pour moi. Je ne supporte pas la lumière trop violente non plus. Pour savoir ce que j’ai fait la veille, je dois le noter le jour même. Je me souviens bien des chiffres, mais pas des lettres. Peu à peu, j’ai appris à organiser ma vie. Et puis, j’aime bien être avec mes amis, et je leur rends visite dans toute la Suisse en me déplaçant en train et en fauteuil roulant. Tout compte fait, je trouve que je vais bien et je suis satisfaite de ma vie.»

Le point de vue des proches

Témoignage de Manon Ch., fille de Gabriella Ch.

Manon Ch., vous avez, vous aussi, bénéficié de l’aide de FRAGILE Suisse. Sous quelle forme?

Ma famille et moi étions dépassées par la situation. Un ami de ma mère nous a parlé de FRAGILE Suisse, et j’ai pu profiter des services du conseil social. On m’a aidée à préparer les dossiers pour les demandes aux assurances sociales et à régler d’autres questions administratives.

Qu’est-ce que cette aide vous a apporté?

Cela m’a beaucoup soulagée, parce que je ne m’y connaissais pas suffisamment pour faire toutes les démarches nécessaires. Ma conseillère l’a très bien compris et elle m’a donné l’aide qu’il me fallait, ce que j’ai apprécié énormément. J’aurais eu bien besoin d’un soutien comme celui de FRAGILE Suisse au moment où ma mère était encore à l’hôpital et aussi ensuite.

A qui recommanderiez-vous de faire appel à l’aide de FRAGILE Suisse?

Je le recommanderais à tous ceux et celles qui se sentent désemparés ou dépassés par la situation. Que ce soit pour remplir les papiers ou pour se faire expliquer certains documents.

Le film avec Manon


Gabriella Ch. a reçu de l’aide de FRAGILE Suisse en bénéficiant de l’accompagnement à domicile pendant un peu plus d’un an. Cet appui lui a été assuré aussi longtemps qu’elle a pu rester dans son appartement. Ses problèmes de mobilité s’aggravant, elle a cherché une formule de logement offrant une prise en charge et l’a trouvée avec l’aide de Julia Eugster, assistante sociale chez FRAGILE Suisse.


Texte : Carole Bolliger (journal FRAGILE Suisse 1/2019, pp. 4-5)

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