«La lésion cérébrale affecte la fluidité de la vie quotidienne»

Une lésion cérébrale marque un changement important dans la vie de la personne touchée. Anne-Claude Juillerat Van der Linden, neuropsychologue et présidente de FRAGILE Genève, nous explique ce que vivent les personnes cérébrolésées.

Une lésion cérébrale marque un changement important dans la vie de la personne touchée. Anne-Claude Juillerat Van der Linden, neuropsychologue et présidente de FRAGILE Genève, nous…

 

Suite à une lésion cérébrale, les personnes touchées ne peuvent plus reprendre leur vie comme avant. Pour quelles raisons?

La lésion cérébrale est un accident de vie majeur avec lequel il faut composer pour retrouver son identité à l’intérieur des limites posées par l’atteinte cérébrale. Il me paraît essentiel d’avoir une approche centrée sur la personne, ses valeurs et les valeurs qu’elle entretient avec son environnement immédiat. L’objectif est d’aider la personne touchée à vivre selon ses valeurs, à être en relations, à retrouver un contrôle sur sa vie, à prendre des décisions, à avoir une identité accomplie. 

Quels sont les défis relatifs à la gestion du temps que doivent relever les personnes cérébrolésées?

Les atteintes peuvent toucher au fonctionnement moteur ou à la sphère du langage. Elles peuvent aussi entraîner des difficultés à initier une action, car la personne n’accède plus automatiquement à un schéma d’actions. Celui-ci résume de façon structurée les situations semblables et aide à interpréter et traiter l’information pour diriger les comportements. Chaque action doit être reprogrammée, à chaque fois. Beaucoup d’activités que la personne faisait automatiquement vont demander des efforts cognitifs importants et engendrer une grande fatigue. Le risque d’effondrement personnel est présent. C’est très violent psychologiquement et générateur de stress.

Comment les proches peuvent-ils aider?

L’entourage est partie prenante de cette réappropriation de vie de la personne touchée. Pourtant, on entend souvent au groupe de parole pour les personnes cérébrolésées: «je ne sais pas comment leur faire comprendre». Les professionnels doivent expliquer aux familles les changements socio-émotionnels ou de comportement auxquels elles vont faire face. Il n’y a pas de mauvaise volonté ou de paresse. Nous devons guider les proches de manière très concrète et très locale. 

Que pouvons-nous apprendre des personnes cérébrolésées?

Les personnes cérébrolésées nous incitent à voir ce que la vie a d’essentiel. Il nous faut prendre soin de nous et des gens qu’on aime. La relation à l’autre fait partie des éléments fondateurs de l’humanité. Dans cette relation entre un proche et une personne cérébrolésée, on va au plus intime de ce qui fait le sens d’un échange avec un être humain. On n’est pas dans une course effrénée, immédiate et consumériste. Une jeune femme que j’accompagnais me disait: «Avec ce que vous nous avez donné, vous nous avez permis de rester ce qu’on voulait être auprès [de notre mère].» Voilà notre rôle en tant que professionnels.

Votre conclusion?

La vie est infiniment précieuse. Il faut en être conscient et prendre le temps de la vivre. La vie est infiniment fragile. On peut se retrouver du jour au lendemain avec le ciel qui nous tombe sur la tête. Les personnes cérébrolésées et leurs proches peuvent retrouver une vie digne et partager des moments riches de sens, avec toute l’aide adaptée à leur situation.